On a une anche, c’est bon, on a un hautbois bien monté et qui fonctionne, super, on s’est mis d’accord sur un moment, sur ce qu’on avait envie/besoin de faire… C’est parti ! Oui mais par où commence-t-on ?
Un lieu
Ne pas négliger le lieu où l’on va se permettre de se tromper. Oui, je le rappelle, pour apprendre il va nécessairement falloir se tromper. Donc il vaut mieux un lieu un peu isolé, où on va pas gêner… Tiens ça me rappelle une anecdote ! Un jour j’ai décidé que j’en avais marre de pas savoir jouer mes gammes (j’étais déjà vieux, hein, je suis pas un exemple à suivre!!). Si on me demandait de transposer (à l’époque je jouais dans un groupe avec des chanteurs, les chanteurs ça n’arrête pas de trouver que c’est pas la bonne tonalité), j’étais complètement perdu, y’avait des altérations, c’était pas possible, j’arrivais pas à penser avec autant de bémols ou de dièses (ou bout d’un moment on s’y perd tellement y’a). Bref, je décide de passer plusieurs semaines perdu au fin fond des Cévennes sur un petit bout de terrain coincé entre une rivière et une voie de chemin de fer. Je m’assois à côté de ma tente avec mon biniou, un métronome et c’est parti. A la fin du séjour (je partais le lendemain), je vois débarquer des broussailles un gars long et fin qui me hurle dessus avec son accent américain qu’il n’en peux plus de m’entendre m’égosiller comme ça dans le sur-aigü depuis des jours, demain sa fille et ses petits enfants arrivent, il veut pouvoir passer un repas sur la terrasse de sa maison tranquille. Tout penaud, je m’excuse bien sûr et lui garanti de ne pas continuer. En tout cas, je n’en menais pas large, parce que je croyais bien ne déranger personne dans ce lieu tellement reculé… Vraiment, pour l’entourage (il faut se mettre à leur place) ça peut être très éprouvant de vivre à côté de vos expériences. Là encore, il ne faudrait pas que l’on vous fasse sentir que le hautbois c’est bien gentil mais c’est trop fort. Non, il n’existe pas de sourdine, oui, vous avez besoin de pouvoir souffler dans votre biniou sinon vous allez jouer « petit », vous n’allez pas exploiter votre respiration correctement. Il faut être à l’aise. Si vraiment c’est compliqué, venez à l’école (quand c’est possible bien sûr:/). Il vaudra mieux passer 30 minutes dans la semaine à se sentir complètement libre de jouer, plutôt que de ne pas jouer du tout !! L‘école est aussi ouverte aux élèves pour ça !! (quand elle est ouverte…).
Un métronome
Pour un jeu en toute fluidité, votre meilleur allié sera le métronome ! Nous verrons cela dans le chapitre sur la boîte à outils. C’est un outil complètement indispensable. Vous pouvez le trouver sous plein de formes, il en faut une régulière → les métronomes mécaniques ne sont pas les plus fiables sur ce plan. Pour celles et ceux qui ont déjà essayé de jouer avec un métronome, vous savez, vous le pensez au moins une fois, voire plus (…par séance…), c’est bien lui qui se décale !! Bin oui, c’est bien connu ? Il y a de la mécanique quantique dedans : quand vous l’écoutez comme ça il semble tout à fait régulier, mais quand vous vous mettez à jouer, il vous joue des tours, il commence à accélérer, à manger des temps, etc. Ne riez pas, vous vous l’êtes déjà dit. Sinon, c’est que vous ne l’avez jamais sorti ! Tout ceci démontre une chose : c’est votre cerveau qui est le seul en mesure de produire des apprentissages géniaux, mais il n’est vraiment pas fiable lorsqu’il s’agit d’être rigoureux. (et la précision rythmique, dont je suis un très (trop) fidèle défenseur en demande beaucoup beaucoup beaucoup). Partez lentement, prenez le temps de le comprendre, il doit devenir votre meilleur allié. Tôt ou tard (et vous pouvez vous renseigner), je le sortirais durant un cours et la séance de torture pourra commencer. Si tranquillement en amont, sur des choses simples, des noires, des blanches, vous vous êtes familiarisés avec, ce ne sera qu’une simple formalité.
L’accordeur
J’ouvre là un chapitre encore à part entière. Je vais tâcher d’être concis et de ne pas trop partir dans des élans trop lyriques. Tiens, bah justement lyrique c’est tout à fait le terme qui me vient… La « justesse », être juste, qu’est-ce que cela signifie-t-il donc ? Communément, en musique, la justesse c’est le fait qu’une note que l’on joue « s’accorde » avec une autre qui est jouée. Là encore, nous avons « vous » qui jouez (le fameux cerveau des plus rigoureux ;)) et les autres qui font rien que de jouer des notes fausses. L’instrument est faux, archi-faux. Vous modifiez la pression de vos lèvres d’un pouillème de mini-Pascal et votre note est trop haute ou trop basse. Pourtant, votre rôle, si vous participez à un orchestre classique sera de donner le « LA » à l’ensemble de l’orchestre qui vous écoutera d’une oreille attentive et qui trouvera toujours à redire que c’est pas le bon, qu’il a bougé, qu’on l’entend pas, etc. Bref, il faut être solide sur cette question, parce que tout le monde croit que vous détenez la vérité sur le sujet… Grosse pression. Je ne saurais que trop vous conseiller (personnellement ça m’a évité de nombreuses rixes avec des collègues) de vous munir d’un accordeur et d’être en mesure de tenir un son long (du genre un la au hasard) le plus constant possible. L’accordeur est ainsi fait que quand la note est « juste », il se teinte d’une jolie couleur verte rassurante et que s’il dépasse dans un sens ou dans l’autre, soit trop haut, soit trop bas, il devient rouge colère. Aucune variation ne sera acceptée, c’est votre honneur de hautboïste qui est en jeu !! Bon, ça, c’est LA justesse.
Après il y a la justesse, je ne vous refais pas le coup de la bonne et de la mauvaise, mais celle dont je parle c’est la justesse qui fait que vous transmettez une émotion, qui fait que votre son a sa propre identité, que vous teintez telle ou telle mélodie d’une manière différente. La hauteur des sons que vous émettez à son importance aussi. Bref, si vous pensez et que vous arrivez à démontrer, que vous jouez dans le vert de l’accordeur tout le temps « alors c’est moi qui suis juste et toi t’es faux ». Bon bah là vous êtes faux et ça tout le monde l’entend. Alors entraînez-vous à l’accordeur, tâchez de mémoriser la position de vos lèvres sur telle note (vous verrez que chacune à sa petite fausseté bien à elle;)) mais n’en faites pas de grâce une raison pour vous boucher les oreilles !! Oui, vos deux oreilles tout à fait semblables aux miennes et à celles de nos voisins, celle-là même qui connectées à notre cerveau repèrent d’instinct que deux sons s’accordent ou dissonent. Faites-leur confiance, bien plus qu’aux voyants électroniques. Mais n’abandonnez pas pour autant votre accordeur qui vous guidera sur le sinueux chemin de la compréhension du lien entre votre embouchure et le son qui sort de ce tromblon.
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